Papeete, Atuona, 20 mai 2015.
Le « Triple seven » d’Air France est en finale. Il est 5
heures 40 lorsque le lourd liner touche le sol de Tahiti, après 8 heures de vol
depuis Los Angeles. Vingt-six heures plus tôt, je décolle de Genève et, après
une première escale à Paris, j’atteins la Polynésie française assez fatigué. Je
n’ai pas dormi durant le premier leg, très peu lors du second. La faute à aux
sièges de l’avion (et à ma carrure pas vraiment faite pour s'encastrer
là-dedans), qui offrent à peine plus d’espace que ceux d’une compagnie low cost
juste destinée à transbahuter du bétail à moindre frais partout dans le monde.
Mais mon voyage n’est pas terminé. Je repars dans la foulée pour Nuku Hiva et
Hiva Oa, première étape de mon séjour dans les îles. Le Boeing 777 d’Air France
ayant une demi-heure de retard, j’ai juste le temps de récupérer mon bagage et
de le ré-enregistrer (prioritairement – merci à l’équipe au sol de Tahiti
Tours) sur l’ATR 72 d’Air Tahiti. Mais, avant cela, il y eut l’arrivée à
Papeete, le débarquement et un accueil qui m’a foutu les larmes aux yeux, tant
le souvenir que j’ai gardé de ce pays, visité 33 ans plus tôt, s’est révélé
intense à ce moment-là. Jugez par vous même…
Six heures plus tard, je prends possession de
mon faré, à la pension Kanahau d’Atuona, chef-lieu de l’île d’Hiva Oa.
Tania en est l’âme, la patronne, la cuisinière, et son contact est d’emblée
jovial et amical. Dans cette région, le tutoiement est courant pour ne pas dire
traditionnel. Il y a, de ce fait, une approche et une prise de contact
naturelles et spontanées qui me ravissent totalement. Ce quart de journée de
voyage supplémentaire m’a complètement anéanti. J’ouvre ma valise, en sort et
range le principal dans les placards,
prends une douche et vais me coucher. Il est midi et demi, heure locale
(-11h30 par rapport à la Suisse). Je dors profondément pendant un peu plus de
trois heures. Je décide de consacrer les deux tours d’horloge qu’il me reste
avant la nuit à cette visite que j’attends avec
une impatience rarement égalée. Me souvenant assez bien de la
configuration d’Atuona, je pars sans plan à la recherche du son cimetière. La
pension est située en dehors du village et il me faut trois quarts d’heure pour
le rejoindre.
La voilà cette sépulture pour laquelle, 33 ans plus tôt, j'avais traversé la moitié du globe. L'émotion de la retrouver a été toute aussi intense cette année... |
Ainsi, retrouver, revoir
la sépulture de l’homme que j’admire le plus au monde, constitue une émotion
plus forte encore que ce que je présageais. Trente trois après, le petit
palmier qui abritait son ancrage s’est multiplié par dix et la hauteurs des
arbres par quatre ou cinq. Mais la tombe est toujours la même, bien entretenue
dans le coin gauche, tout au bas du cimetière. Son venus s’y ajouter, une
multitude de galets sur lesquels des inconnus fans de l’interprète, auteur,
compositeur, acteur, metteur en scène, pilote et navigateur, y déclament leur
admiration et lui disent merci pour ce qu’il leur a apporté au long de sa trop
courte vie. Devant ce morceau de terre, duquel je ne parviens plus à détourner
le regard, je mesure alors l’immensité du temps qui me sépare de ma première
visite, en avril et mai 1982. En quittant Atuona, le 7 mai de cette année-là,
je lui avais fait une dernière visite et, très ému, lui avais promis de faire
tout mon possible pour revenir le voir un jour. Et je suis là, de retour, en
face de lui. Alors, cette promesse tenue, autant que les 33 années écoulées, me
revient avec une telle violence, une telle intensité que, irrépressiblement,
je craque et me liquéfie. Heureusement, je suis seul dans cette partie du
cimetière car il me faudra quelques minutes pour me remettre de cette chose que
jamais je n’aurais pu imaginer…
Le retour à la pension Kanahau est laborieux,
tentant d’y revenir par le chemin du bas du village. La nuit commence à tomber
et je me perds totalement dans les diverses petites routes montant à flanc de
colline pour la rejoindre. Avec l’aide de plusieurs villageois, je la retrouve
enfin. Il fait nuit noire, je suis exténué, trempé autant par la transpiration
(les routes d’Atuona sont, en majorité, une succession de fortes montées et
descentes) que par l’averse que je me
suis prise et dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle fut violente, et j’arrive enfin à la pension. Nouvelle et
indispensable douche et petit repos avant de goûter à la divine cuisine de
Tania, dégustée en communauté avec elle et les sept autres résidents de la
pension. Au menu : carpaccio de thon rouge, thon grillé, sauce et légumes
au curry vert, riz, tarte à la goyave. Tout simplement divin et à l’image présagée des six jours qu’il me reste à passer
dans ce petit paradis…
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