vendredi 22 mai 2015

Papeete, Atuona, 20 mai 2015.

Le « Triple seven » d’Air France est en finale. Il est 5 heures 40 lorsque le lourd liner touche le sol de Tahiti, après 8 heures de vol depuis Los Angeles. Vingt-six heures plus tôt, je décolle de Genève et, après une première escale à Paris, j’atteins la Polynésie française assez fatigué. Je n’ai pas dormi durant le premier leg, très peu lors du second. La faute à aux sièges de l’avion (et à ma carrure pas vraiment faite pour s'encastrer là-dedans), qui offrent à peine plus d’espace que ceux d’une compagnie low cost juste destinée à transbahuter du bétail à moindre frais partout dans le monde. Mais mon voyage n’est pas terminé. Je repars dans la foulée pour Nuku Hiva et Hiva Oa, première étape de mon séjour dans les îles. Le Boeing 777 d’Air France ayant une demi-heure de retard, j’ai juste le temps de récupérer mon bagage et de le ré-enregistrer (prioritairement – merci à l’équipe au sol de Tahiti Tours) sur l’ATR 72 d’Air Tahiti. Mais, avant cela, il y eut l’arrivée à Papeete, le débarquement et un accueil qui m’a foutu les larmes aux yeux, tant le souvenir que j’ai gardé de ce pays, visité 33 ans plus tôt, s’est révélé intense à ce moment-là. Jugez par vous même… 



Six heures plus tard, je prends possession de mon faré, à la pension Kanahau d’Atuona, chef-lieu de l’île d’Hiva Oa. Tania en est l’âme, la patronne, la cuisinière, et son contact est d’emblée jovial et amical. Dans cette région, le tutoiement est courant pour ne pas dire traditionnel. Il y a, de ce fait, une approche et une prise de contact naturelles et spontanées qui me ravissent totalement. Ce quart de journée de voyage supplémentaire m’a complètement anéanti. J’ouvre ma valise, en sort et range le principal dans les placards,  prends une douche et vais me coucher. Il est midi et demi, heure locale (-11h30 par rapport à la Suisse). Je dors profondément pendant un peu plus de trois heures. Je décide de consacrer les deux tours d’horloge qu’il me reste avant la nuit à cette visite que j’attends avec  une impatience rarement égalée. Me souvenant assez bien de la configuration d’Atuona, je pars sans plan à la recherche du son cimetière. La pension est située en dehors du village et il me faut trois quarts d’heure pour le rejoindre.  

La voilà cette sépulture pour laquelle,
33 ans plus tôt, j'avais traversé la 
moitié du globe. L'émotion de la 
retrouver a été toute
aussi intense cette année... 
Ainsi, retrouver, revoir la sépulture de l’homme que j’admire le plus au monde, constitue une émotion plus forte encore que ce que je présageais. Trente trois après, le petit palmier qui abritait son ancrage s’est multiplié par dix et la hauteurs des arbres par quatre ou cinq. Mais la tombe est toujours la même, bien entretenue dans le coin gauche, tout au bas du cimetière. Son venus s’y ajouter, une multitude de galets sur lesquels des inconnus fans de l’interprète, auteur, compositeur, acteur, metteur en scène, pilote et navigateur, y déclament leur admiration et lui disent merci pour ce qu’il leur a apporté au long de sa trop courte vie. Devant ce morceau de terre, duquel je ne parviens plus à détourner le regard, je mesure alors l’immensité du temps qui me sépare de ma première visite, en avril et mai 1982. En quittant Atuona, le 7 mai de cette année-là, je lui avais fait une dernière visite et, très ému, lui avais promis de faire tout mon possible pour revenir le voir un jour. Et je suis là, de retour, en face de lui. Alors, cette promesse tenue, autant que les 33 années écoulées, me revient avec une telle violence, une telle intensité que, irrépressiblement, je craque et me liquéfie. Heureusement, je suis seul dans cette partie du cimetière car il me faudra quelques minutes pour me remettre de cette chose que jamais je n’aurais pu imaginer…


La pension dans laquelle je suis 
descendu. Elle domine la baie de
Tahauku. C'est à cet endroit que,

 le 19 novembre 1975, Jacques Brel 
et sa compagne Maddly 
débarquaient de leur voilier "Askoy II" 
pour s'installer dans le village d'Atuona.
Leur bonheur et leur amour pour 
cette île n'aura duré que trois ans...
Le retour à la pension Kanahau est laborieux, tentant d’y revenir par le chemin du bas du village. La nuit commence à tomber et je me perds totalement dans les diverses petites routes montant à flanc de colline pour la rejoindre. Avec l’aide de plusieurs villageois, je la retrouve enfin. Il fait nuit noire, je suis exténué, trempé autant par la transpiration (les routes d’Atuona sont, en majorité, une succession de fortes montées et descentes)  que par l’averse que je me suis prise et dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle fut violente,  et j’arrive enfin à la pension. Nouvelle et indispensable douche et petit repos avant de goûter à la divine cuisine de Tania, dégustée en communauté avec elle et les sept autres résidents de la pension. Au menu : carpaccio de thon rouge, thon grillé, sauce et légumes au curry vert, riz, tarte à la goyave. Tout simplement divin et  à l’image  présagée des six jours qu’il me reste à passer dans ce petit paradis…

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